festival de cannes: Tarantino s'amuse avec l'Histoire




http://www.kinomax.fr/images/Arnaud/G-L/PosterInglouriousBasterds.jpgDepuis le début du festival, il n'y a pa eu autant de spectateurs dans une salle. Selon les statistiques des organisateurs, trois mille journalistes ont vu " Inglourious basterds ".

Prévoyant l'affluence, on a pris soin d'arriver plus tôt. N'empêche, qu'à vingt- heures, l'orchestre était déjà complet. Il fallait se contenter d'une place au balcon.



Après tout, ce n'est pas si mal de ne pas voir Tarantino de bas. Du reste, bien qu'évoquant une grave question d'histoire, le film n'appelle pas à la déférence. Donc un sujet puisé dans le rayonnage le plus délicat de la bibliothèque d'histoire occidentale (Juifs et Allemands pendant la deuxième guerre mondiale), planté, de surcroît, en France, lieu où la question suscite les plus vives controverses. La façon dont le film est fait laisse supposer que Tarantino n'ignore pas ce que le choix du lieu ajoute à la délicatesse de l'enjeu. Il ne se prive pas d'égratigner au passage l'esprit français en prenant soin néanmoins de se placer sur le terrain décalé du cinéma. Tout est d'ailleurs dans ce décalage. D'une part, la construction du film en chapitres l'éloigne de la rigueur historiographique ; ensuite, l'interférence du cinéma avec l'événement politique brouille non sans malice le point de vue idéologique. Shosanna Dreyfus (Mélanie Laurent), la seule survivante d'une famille juive, sauvagement abattue par les Nazis, se retrouve à Paris gérant, sous une fausse identité, une salle de cinéma. C'est en utilsant des images de film et le lieu de la salle qu'elle se vengera du colonel qui a fusillé ses parents (admirable Christoph Waltz) mais aussi (Tarantino n'hésitant du coup devant aucune invraisemblance) Hitler, Goebbels, Bormann et Goering. Le soldat dont le film à l'avant première duquel tout ce beau monde est invité retrace d'ailleurs les exploits d'un soldat allemand devenu une véritable star. Le film est ainsi construit : on commence dans l'Histoire et on finit bien au-delà de l'Histoire, dans les fantaisies cinématographiques les plus débridées. On sait combien pèsent les acteurs de l'Histoire sur les acteurs de cinéma, notamment quand le sujet est ainsi complexe. " Inglourious basterds " peut se comprendre comme une époustouflante transgression de ces pesanteurs, une libération du cinéma de l'Histoire et de l'histoire, un affranchissement de l'acteur (de cinéma) du personnage (de l'histoire). Que reste-t-il ? Le plaisir pardi ? Qui évidemment n'exclut pas l'intelligence. Après tout, on a toujours le droit d'être exaspéré par les tartinomanies. Les passages brusques d'un régime dramatique à l'autre, les mélanges inattendus et déconcertants de ludisme et de violence, la capacité de faire exploser au sens propre et figuré les dispositifs (la transformation de la salle de cinéma en théâtre de guerre est époustouflante), les jongleries du cinéaste avec le cinéma...c'est une affaire de goûts.

Tahar Chikhaoui

source : http://www.cinematunisien.com/

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